La sainteté, qui est présente dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament, est une dimension essentielle de ua vie des chrétiens...
De l'un à l'autre Testament, la sainteté se fait plus proche des hommes. Programme du livre du Lévitique s'incarnant en Jésus, elle est au cœur de la réflexion de Paul. Elle y désigne une dimension essentielle de la vie des chrétiens.
Paul désigne souvent les chrétiens comme des "saints". Il le fait au début de ses lettres : "Paul, apôtre du Christ Jésus par la volonté de Dieu, et le frère Timothée, à l’Église de Dieu qui est à Corinthe, ainsi qu’à tous les saints qui se trouvent dans l’Achaïe entière…"(2 Co 1, 1 cf. aussi Ph 1, 1), ou dans les salutations finales : "Saluez-vous mutuellement par un saint baiser. Tous les saints vous saluent. La grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint Esprit soient avec vous tous" (2 Co 13, 12). Le mot "saint", dans l’Ancien Testament et le judaïsme, évoque la transcendance et l'altérité de Dieu. Ici, il s'applique ici à des hommes.
Un don de Dieu
En disant de ceux qui ont été baptisés dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ qu’ils sont saints, plus qu’à une qualité morale ou spirituelle, Paul songe d’abord à leur participation à l’être même de Dieu. Il en a fait lui-même l’expérience dans sa propre chair : gracieusement justifiés en Jésus-Christ, c’est-à-dire "ajustés" à leur vocation de fils de Dieu et de frère, les hommes peuvent désormais communier à l’être même de Dieu de qui ils reçoivent leur être et leur agir. C’est ce qu’évoque la sainteté avec sa double dimension de pleine communion avec Dieu et d’appartenance à Dieu.
Conséquence de cela, celui qui se reconnaît saint se doit d’imiter Dieu : "Imitez Dieu, puisque vous êtes des enfants qu’il aime, vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même à Dieu pour nous en offrande et victime, comme un parfum d’agréable odeur. De débauche, d’impureté quelle qu’elle soit, de cupidité, il ne doit même pas être question parmi vous ; cela va de soi pour des saints" (Ep 5, 1).
Temple de l’Esprit-Saint
Deuxième volet de la réflexion de Paul : le chrétien est le temple de l'Esprit-Saint ; c’est à ce titre aussi qu’il est saint : "Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira. Car le temple de Dieu est saint et ce temple c’est vous" (1Th 3, 16-17).
Longuement et à plusieurs reprises dans ses lettres, Paul évoque ce lien fondamental entre la sainteté du croyant et l’Esprit-Saint qui le fait participer à la sainteté divine. Élément constitutif de "l’être chrétien", principe et norme de son agir, l’Esprit façonne en effet le baptisé à l’image du Christ. Au même moment, animé par l’Esprit, le baptisé apprend à se laisser transformer par "la loi de l’Esprit qui donne la vie en Jésus-Christ"(Rm 8, 2). Loin d’être un nouveau code de prescriptions ou de réglementations, la "loi de l’Esprit" est un élan, une impulsion. Elle est une force intérieure qui entraîne au bien et accomplit la sainteté reçue.
Vivre dans la sainteté
C’est un autre aspect, inséparable des deux premiers : parce qu’il est devenu le "Temple de Dieu", le disciple du Christ est appelé à vivre, jour après jour, la sanctification qu’il a reçue : "La volonté de Dieu, c’est que vous viviez dans la sainteté, que vous vous absteniez de la débauche, que chacun d’entre vous sache prendre femme pour vivre dans la sainteté et l’honneur sans se laisser emporter par le désir comme font les païens qui ne connaissent pas Dieu… En effet, Dieu ne nous a pas appelés pour que nous soyons impurs mais pour que nous vivions dans la sainteté" (1 Th 4, 3-5.7).
Voilà qui est clair : pour Paul, celui qui a été baptisé dans la mort et la résurrection du Christ, doit mettre en œuvre dans sa vie quotidienne la sainteté qu’il a reçue. Cette sainteté exige de lui qu’il rompe avec le péché et avec les mœurs du monde. Ainsi, aux chrétiens de Corinthe qui estimaient que le corps, comparé aux réalités spirituelles, n’a aucune valeur et qu’ils pouvaient donc en user en toute liberté, Paul rappelle que "temple du Saint Esprit de Dieu", leur corps est habité par la présence divine qu’il doit révéler en même temps qu’il doit apprendre à la reconnaître. C’est pour cela que la débauche est d’abord un péché contre le corps, car elle porte atteinte à la sainteté du corps en ne reconnaissant pas qu’il est fait pour le Seigneur, donc promis à la résurrection : "Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit de Dieu qui est en vous et qui nous vient de Dieu, et que vous ne vous appartenez pas ?" (1Co 6, 19-20).
En chemin de sanctification
On l’aura compris, pour Paul, la sainteté est à la fois le point de départ, l'exigence quotidienne et l’aboutissement de la vie chrétienne. Comprise à la lumière de la justification qui fait du baptisé un être nouveau vivant de la vie même de Dieu, et dans la perspective du salut à venir, elle requiert un comportement moral adéquat à la grandeur de celui qui se sait habité par l’Esprit même de Dieu et introduit dans son intimité.
Enfin, cette compréhension de la sainteté ne doit surtout pas être séparée de sa dimension communautaire. Car il n’y a pas d’individualisme chez Paul, mais la conviction que l’Église, Corps du Christ, est sainte et que toute sainteté est à recevoir et à vivre par rapport à l’édification de la communauté chrétienne. Dans un contexte étonnant, c’est ce que développera la lettre aux Ephésiens : "Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église et s’est livré pour elle ; il a voulu ainsi la rendre sainte en la purifiant avec l’eau qui lave et cela par la Parole ; il a voulu se la présenter à lui-même splendide, sans tache ni ride, ni aucun défaut ; il a voulu son Église sainte et irréprochable. C’est ainsi que le mari doit aimer sa femme, comme son propre corps" (Ep 5, 25-28).